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lui manqua la technique d’un Vers qui pût exprimer l’idée en ses rapports avec les idées, et, en ses associations sensitives, sensorielles, avec l’Universel : expression qui lui manqua, parce que, l’expression étant entraînée par la valeur énergétique de la pensée, il ne posséda pas l’impersonnalité vraie où le « moi » n’est plus qu’un rapport conscient en communion avec le Tout, et, de savoir et d’émotion, un point synthétique.

Ainsi dira-t-il, comme peureux et rentrant en la précaire sûreté de ce Moi :

« Je ne peux pas longtemps affronter de l’espace
La grandeur, le silence et l’immobilité…
Tremblant, je me resserre en mon étroite place,
Je ne veux respirer qu’en mon humble milieu :
Il ne m’appartient pas de voir le ciel en face,
La profondeur du ciel est un regard de Dieu…

Il sut d’ailleurs lui-même, qu’il n’avait pas réalisé le rêve d’art qu’il avait voulu, — et que son cri d’aveu est donc poignant et haut, et qu’il donne de prix aux parties du rêve où son talent divinateur atteint cependant la valeur souhaitée ! « Ah ! que n’ai-je hérité, écrit-il, d’un langage approprié