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Hugo de la Légende des Siècles, Strada (un méconnu et presque un inconnu), et Sully-Prudhomme.

De Vigny, quoique parmi les Romantiques, de par son verbe pondéré et son vers sans triomphes et sans éclats (mais de quelle solide et large puissance quand les hautes pensées l’agissent !) est davantage classique, nous dirions Racinien. Mais, sa caractéristique essentielle durant cette période qui est de suprématie du « moi » poétique et d’exaltation des sentiments et des idées de source générale, c’est de s’exprimer impersonnellement et d’exprimer des idées philosophiques, la plupart du temps sous le mode symbolique. Son émotion qui est intense, ne s’épand pas, mais demeure en latentes puissances : elle est de qualité énergétique. De tous les Romantiques, il me paraît le seul penseur, et, en son art d’expression impersonnelle et en raison de cet art qui donne à sa pensée valeur d’universel, le seul poète d’alors véritablement ému et émouvant. Il nous attire de toute sa grandeur solitairement pathétique.

Il n’a point exposé de théorie philosophique, mais