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ingénieuse assimilation du tronc de l’arbre à l’ossature humaine. Le règne animal : l’axiome « rien dans la nature n’avance par sauts » est développé par Delille en ses recherches de vie végétative et de traces des autres règnes, en la vie animale… Dans le dessin du vers, c’est là une excellente vue générale des connaissances du xviiie siècle, et plus particulièrement une autre, mais étroite « Histoire Naturelle ». Delille est un studieux, un savant, mais il ne l’est pas en poète. Quant à sa philosophie, s’il en est une, elle ne se dégage pas de la théologie. Elle est purement anthropocentrique : l’Homme d’élection divine, au centre du Monde que Dieu créa.

Didactique, de valeur descriptive, Delille a exprimé des notions de la nature sans en donner sensation : il va directement aux idées, et son verbe exact, ingénieux de périphrases, supprime toute sensitivité, toute émotion. Si, par conséquent, il n’est pas un poète, et pas un poète-scientifique, — nous lui saurons gré cependant d’avoir œuvré à la gloire de la Science, qu’il aimait avec une intelligence digne de mémoire.