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et comme premièrement synthétique, — mérite toute notre attention.

Tout ce que l’on peut retenir du Roman de la Rose que Guillaume de Lorris laissait inachevé, est, par endroits, une sensation passagère, délicate, nouvellement éveillée, de la nature. Le poète a les sens pris par elle, et, tout en pratiquant précieusement « l’amour courtois », il se met en contact avec les choses : le printemps, ses lumières et ses eaux, la terre et ses travaux. État d’âme nouveau, une candeur d’aurore sur les champs dont le seizième siècle exprimera une ivresse savoureuse, à goûts de vertes sèves.

Jean de Meung, lui, ressentira toute la Vie. Il continue le Roman de la Rose, il reprend le dessin de Guillaume de Lorris, mais que l’Amant cueille au Verger d’amour le Bouton de Rose, ce ne lui est que prétexte à exprimer la somme de ses connaissances : idées philosophiques, sociologiques, morales, — tandis qu’avec passion il agit son temps, par une large satire. Compilateur, évidemment, et didactique : toute l’antiquité latine il la possède, mais il sait toute la pensée contempo-