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illimitée, qu’elle est ainsi qu’une émotion en soi et encore de qualité impersonnelle, dira-t-on. Mais ensuite, au cours de l’Œuvre se composant, les éléments de cette émotion se dissocient. Et alors, à propos de chaque aspect de la Vie-totale où tour à tour, pour composer son harmonie, l’inspiration s’attache, c’est maintenant la sensibilité propre de chaque poète qui s’exalte et entre en activité. Et par là l’Œuvre de l’Inspiré est un drame multiple et intense et vibrant entre l’univers et lui : comment la totalité des choses agit sur lui, et comment il réagit envers elles !

Or, son émotion, aussi diverse soit-elle (et elle doit s’appliquer à s’éprouver avec le plus de multiplicité possible), pourtant ne se disperse pas. Chacun de ses émois est partie d’un Tout émotionnel, car le détail se rapporte continuellement à la somme, en son œuvre comme en la nature : « Il est un sens universel en tout caractère », a dit Gœthe… Telle émotion devenue personnelle, elle vibre des complexités nerveuses de l’organisme. Car, si, de par son essence philosophique, elle doit s’épanouir en pureté cérébrale, en idée émotive, —