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Nous avons dit que la pensée philosophique dont le poète est pénétré, lui doit venir, de valeur impersonnelle, universelle, d’une Synthèse scientifique. Que si cette conception ne correspondait pas à toute l’actuelle connaissance et, de plus, elle ne se présentait pas dans le sens de l’Évolution de manière à continuer de correspondre encore aux connaissances accrues, évidemment elle n’aurait point valeur générale ou elle cesserait à un moment, de la posséder. Et le poète se retrouverait donc en le mode égotiste qui — au lieu de susciter l’émotion par des rapports universels avec, de proche en proche, retentissement en toute une série de phénomènes et en l’unité même — crée seulement une surprise émotionnelle par comparaisons, analogies et images, aperçues de sa seule sensibilité et de son ingéniosité cérébrale : poésie de valeur seulement personnelle.

Or, pour le Poète-scientifique, l’émotion lui vient de connaître et de pouvoir découvrir et connaître davantage et sans cesse, en remontant et descendant le cours des êtres et des choses, en recherchant et multipliant les concomitances pour les rapprocher