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« Poésie-scientifique », — il n’en sera de plus marquante en un moment plus solennel, que de l’illustre mathématicien et philosophe Henri Poincaré, quand, en son discours de réception à l’Académie Française, il eut à prononcer l’éloge de son prédécesseur, Sully-Prudhomme… C’est excellemment du véritable esprit de la Poésie-scientifique dont il commença à parler : « La réalité, la vraie, celle du philosophe, est constamment vivante, constamment changeante, les parties diverses en sont liées intimement et semblent se pénétrer mutuellement. Celle du savant n’en est qu’une image. Sans doute, cette image peut seule nous permettre de connaître : mais quand le philosophe l’a contemplée, il demande autre chose. Ce qu’il sent ainsi, comment pourra-t-il l’exprimer ? — Par le Vers, par la langue poétique et ses mots assimilables à la musique même, répond le savant-philosophe, qui insiste que les ondes musicales de ce Vers se mêlent et se pénètrent ainsi que se pénètrent les éléments de la réalité vivante, « et c’est ainsi que la Poésie philosophique peut nous donner de cette réalité un portrait moins sommaire. »