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et, pensant à celui que j’avais pris avec Toinette : Qu’eût-ce donc été, disais-je, si je l’eusse goûté sur Suzon ! Je me suis pâmé sur Toinette, je serais mort sur Suzon. Ah ! je n’aurais pas de regret à la vie, si je la perdais dans ses bras. Mais que sera-t-elle devenue ? Exposée aux fureurs de Toinette, elle va mourir de chagrin. Peut-être pleure-t-elle à présent, peut-être me maudit-elle. Suzon pleure, et j’en suis cause ; Suzon me maudit, elle jure de me haïr. Pourrai-je vivre si elle me hait, moi qui l’adore, moi qui souffrirais tout pour lui épargner le moindre chagrin ? Hélas ! elle prévoyait notre malheur et c’est moi qui l’y ai plongée ! Telles étaient les pensées qui m’agitaient alors ; j’étais dans une mélancolie dont je ne sortis qu’au son d’une clochette qui m’avertit qu’on avait servi le souper ; on vint m’appeler. Laissons pour un moment Suzon ; nous la retrouverons toujours ; elle joue un rôle assez important dans ces mémoires. Allons prendre un repas et faisons connaître quelques bévues des originaux avec qui j’étais ; commençons par le curé.

M. le curé était une de ces figures qu’on ne saurait regarder sans avoir envie de rire ; haut de quatre pieds, le visage large d’un demi et enluminé d’un rouge foncé qui ne lui venait pas de boire de l’eau ; un nez épaté, surmonté de rubis, de petits yeux noirs et vifs ombragés d’épais sourcils ; un front petit, le poil frisé comme un barbet ;