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rais encore de plus grandes, je me hâtais de les goûter. Ô ciel ! des moments si doux devaient-ils être troublés par le plus cruel des malheurs ! Je poussais avec ardeur ; mon lit, ce malheureux lit, témoin de mes transports et de mon bonheur, nous trahit : il n était que de sangle ; la cheville manqua, il tomba et fit un bruit affreux. Cette chute m’eût été favorable, puisqu’elle m’avait fait entrer jusqu’où je pouvais aller, quoique avec une extrême douleur pour tous les deux. Suzon se faisait violence pour retenir ses cris. Effrayée, elle voulait s’arracher de mes bras ; furieux d’amour et de désespoir, je ne la serrais que plus étroitement. Mon opiniâtreté me coûta cher.

Toinette, avertie par le bruit, accourut, ouvrit et nous vit. Quel spectacle pour une mère ! une fille, un fils ! La surprise la rendit immobile ; et comme si elle eût été retenue par quelque chose de plus puissant que ses efforts, elle ne pouvait avancer. Elle nous regardait avec des yeux enflammés par la lubricité ; ouvrant la bouche pour parler, la voix expirait sur ses lèvres.

Suzon était tombée en faiblesse ; ses yeux tendres se fermaient, sans avoir ni le courage, ni la force de se retirer. Je regardais alternativement Toinette et Suzon, l’une avec rage, l’autre avec douleur. Enhardi par l’immobilité où l’étonnement semblait retenir Toinette, je voulus en profiter, je poussai ; Suzon donna alors un signe de vie, jeta un profond soupir, rouvrit les yeux, me