main sur les cuisses. Je n’en étais pas encore à la jarretière, qu’elle se leva avec action, et dit qu’elle ferait du bruit si j’étais assez hardi pour la toucher. Elle alla même jusqu’à faire semblant de vouloir sortir : je pris cette grimace pour une marque de colère, et je fus assez simple pour m’imaginer qu’elle voulait effectivement se retirer. J’étais interdit, le cœur me battait, à peine osais-je répondre ; et quoique ce ne fût qu’en bégayant, je persuadai facilement une fille qui aurait été bien fâchée que mon silence l’eût mise dans la nécessité de joindre l’effet à la menace : elle consentit à rester. J’allais désespérer de pouvoir venir à bout de mon entreprise, quand j’entendis ouvrir la porte de la chambre d’Ambroise. Le cœur me revint, et j’attendais avec impatience que la curiosité de Suzon fît pour moi ce que je n’avais pu faire moi-même. — Les voici ! lui dis-je en lui faisant signe de se taire et en la remuant sur le lit ; les voici, ma chère Suzon ! Je m’approchai aussitôt de la cloison ; j’écartai l’image qui dérobait à mes regards ce qui se passait dans la chambre, et j’aperçus le père qui prenait sur la gorge de Toinette des gages peu équivoques de sa bonne volonté. Immobiles, serrés étroitement l’un contre l’autre et recueillis en eux-mêmes, il semblait qu’ils voulussent, par une profonde méditation, se remplir de la grandeur des mystères qu’ils allaient célébrer. Attentif à leurs mouvements, j’attendais qu’ils les poussassent un peu plus loin pour faire
Page:Gervaise de Latouche - Le Portier des Chartreux, 1889.djvu/86
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.