le savais pas ; je n’osais m’en éclaircir, je n’osais remuer ; je fermais les yeux, je tremblais. Mon tremblement augmenta encore quand je sentis qu’on pressait ma main, qu’on la baisait. Le saisissement m’empêcha de la retirer, je n’en avais pas la hardiesse ; mais je me rassurai un peu en entendant dire à mes oreilles, d’une voix basse : Ne craignez rien ; c’est moi ! Cette voix, que je me souvenais confusément d’avoir entendue, me rendit le courage, et j’eus la force de demander qui c’était, sans avoir celle de regarder. — Eh ! c’est Martin, me répondit-on, le valet du père Jérôme. Cette déclaration dissipa ma frayeur. Je levai les yeux, je le reconnus. Martin était un blond, éveillé, joli, amoureux. Ah ! qu’il l’était ! Il tremblait à son tour, et attendait ma réponse pour fuir ou me baiser encore. Je ne lui en fis pas, mais je le regardai d’un air riant, avec des yeux qui se ressentaient encore du plaisir que je venais de goûter. Il vit bien que ce n’était pas un signe de colère ; il se jeta dans mes bras avec passion ; je le reçus de même, et sans penser que si quelqu’un s’apercevait que je manquais dans le couvent on pourrait venir et nous trouver ensemble… Te le dirais-je ? L’amour rend tout excusable. Sans respect pour l’autel, sur les marches duquel nous étions, Martin me pencha un peu, leva mes jupes, porta sa main partout ; aussi passionnée que lui, je portai la mienne à son vit ; j’eus pour la première fois de ma vie le plaisir
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