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que tu viens de me conter ce qui m’est arrivé avec lui ? — Comment donc, lui dis-je, vous ferait-il aussi quelque chose à vous ? — Non, assurément, me répondit-elle, car je le hais à la mort, et je ne vais plus à lui depuis que je suis devenue plus savante. — Et comment avez-vous donc appris, lui demandais-je, à connaître ce qu’il vous faisait ? — Je consens à te le dire, me répondit la sœur ; mais sois discrète, car tu me perdrais, ma chère Suzon.

— Je ne sais. Saturnin, poursuivit ma sœur après un moment de silence, si je dois révéler tout ce qu’elle m’apprit. L’envie de savoir une histoire dont le prélude me charmait me fournit des expressions pour vaincre l’irrésolution de Suzon. Je mêlai les caresses aux assurances et je vins à bout de la persuader. C’est la sœur Monique qui va s’exprimer par la bouche de Suzon. Quelque emporté que doive paraître le caractère de cette sœur, je crains que mes expressions ne soient encore au-dessous de la réalité. Le peu de temps que j’ai passé avec elle m’en a fait concevoir une idée que je ne saurais rendre bien fidèlement. Voici comme s’explique cette héroïne :

Nous ne sommes pas maîtresses des mouvements de notre cœur. Séduites en naissant par l’attrait du plaisir, c’est à lui que nous en offrons le premier sentiment. Heureuses celles dont le tempérament ne s’effraye pas des conseils austères de la raison ! Elles y trouvent un secours