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les mettre en état de goûter, je voulus encore essayer de venir à bout de Suzon sans le secours du tableau que je devais offrir à ses regards. Je la conduisis vers une allée d’arbres dont l’épais feuillage faisait une obscurité qui promettait beaucoup d’assurances à mes désirs. Elle s’aperçut de mon dessein, et ne voulut pas m’y suivre. — Tiens, Saturnin, me dit-elle, ingénument, je vois que tu veux encore m’entretenir de cela ; et bien, parlons-en. — Je te fais donc plaisir, répondis-je, quand j’en parle ? Elle me l’avoua. Juge, lui dis-je, ma chère Suzon par celui que mes discours te donnent, de celui que tu aurais… Je ne lui en dis pas davantage : je la regardais, je tenais sa main, que je pressais contre mon sein. — Mais, Saturnin, me dit-elle, si… cela allait faire du mal ? — Quel mal veux-tu que cela fasse ? lui répondis-je, charmé de n’avoir plus qu’un aussi faible obstacle à détruire ; aucun, ma chère petite ; au contraire. — Aucun, reprit-elle en rougissant et en baissant la vue, et si j’allais devenir grosse ? Cette objection me surprit étrangement. Je ne croyais pas Suzon si savante, et j’avoue que je n’étais pas en état de lui donner une réponse satisfaisante. — Comment donc, grosse ? lui dis-je ? est-ce que c’est comme cela que les femmes deviennent grosses, Suzon ? — Sans doute, me répondit-elle, d’un ton d’assurance qui m’effraya. — Et où l’as-tu donc appris ? lui demandais-je, car je sentais bien que c’était à son tour à me