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-midi le même spectacle que j’avais eu la veille, et sur le champ je formai le dessein d’en faire part à Suzon. Je pensais, avec raison, qu’une pareille vue serait un excellent moyen pour avancer mes petites affaires avec elle ; je ne lui en parlai pas. Je remis cette épreuve à l’après-dînée, bien résolu à n’employer ce moyen qu’à l’extrémité, comme un corps de réserve décisif pour une action.

Le moine et Toinette ne se gênaient pas en notre présence : ils nous croyaient des témoins peu dangereux. Je voyais la main gauche du père se glisser mystérieusement sous la table et agiter les jupes de Toinette, qui lui souriait et me paraissait écarter les cuisses pour laisser apparemment le passage plus libres aux doigts libertins du paillard moine.

Toinette avait de son côté une main sur la table, mais l’autre était dessous et rendait vraisemblablement au père ce que le père lui prêtait. J’étais au fait. Les plus petites choses frappent un esprit prévenu. Le révérend père chopinait de bonne grâce ; Toinette lui répondait sur le même ton ; ses désirs parvinrent bientôt au point d’être gênés par notre présence : elle nous le fît connaître en nous conseillant, à ma sœur et à moi, d’aller faire un tour dans le jardin ; j’entendis ce qu’elle voulait nous dire. Nous nous levâmes aussitôt, et leur laissâmes, par notre départ, la liberté de faire autre chose que glisser les mains sous la table. Jaloux du bonheur que notre départ allait