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par un démon jaloux de mon bonheur, se fît entendre dans l’antichambre. Mme Dinville, réveillée par le bruit que fit cet original en arrivant, me dit : Que faites-vous donc, petit fripon ? Je retirai la main précipitamment ; mon effronterie ne tint pas contre un pareil reproche ; je rougis, je me croyais perdu. Mme Dinville, qui voyait mon embarras, me fit sentir, par un petit soufflet qu’elle accompagna d’un sourire charmant, que sa colère n’était que pour la forme, et ses regards me confirmèrent que ma hardiesse lui déplaisait moins que l’arrivée de ce vilain bailli.

Il entra : l’ennuyeux personnage ! Après avoir toussé, craché, éternué, mouché, il fit sa harangue, plus ennuyeuse encore que sa figure. Si nous en eussions été quittes pour cela, ce n’aurait été que demi-mal ; mais il semblait que le maraud eût donné le mot à tous les importuns du village, qui vinrent tour à tour faire un salamalec. J’enrageais. Quand Mme Dinville eut répondu à bien des sots complimenteurs, elle se tourna de notre côté et nous dit : Ah ça ! mes chers enfants, vous reviendrez demain dîner avec moi : nous serons seuls. Il me sembla qu’elle affectait de jeter sur moi les yeux en disant ces derniers mots. Mon cœur trouvait son compte dans cette assurance, et je sentis que, sans faire tort à mon penchant, mon petit amour propre ne laissait pas d’être flatté. — Vous viendrez, entendez-vous, Suzon ? continua Mme Dinville, et vous amènerez Saturnin ; c’était