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celles qu’elle me faisait. Sa politique me rendait justice : j’étais plus habile que ma figure ne le promettait. Je me fis insensiblement si bien à ce petit manège, que je n’attendais pas le refrain pour prendre ma part. Peu à peu ma sœur se trouva sevrée de la sienne ; je m’établis dans le privilège exclusif de jouir des bontés de la dame ; Suzon n’avait plus que les paroles.

Nous étions assis sur le canapé : nous babillions, car Mme Dinville était grande babillarde. Suzon était à sa droite, j’étais à sa gauche. Suzon regardait dans le jardin et Mme Dinville me regardait ; elle s’amusait à me défriser, à me pincer la joue, à me donner de petits soufflets ; moi, je m’amusais à la regarder, à lui mettre la main, d’abord en tremblant, sur le col ; ses manières aisées, me donnaient beau jeu ; j’étais effronté ; la dame ne disait mot, me regardait, riait, et me laissait faire. Ma main, timide dans les commencements, mais devenue plus hardie par la facilité qu’elle trouvait à se satisfaire, descendait insensiblement du col à la gorge, et s’appesantissait avec délices sur un sein dont la fermeté élastique la faisait tant soit peu rebondir. Mon cœur nageait dans la joie ; déjà je tenais dans la main une de ces boules charmantes que je maniais à souhait. J’allais y mettre la bouche ; en avançant on arrive au but. J’aurais, je crois, poussé ma bonne fortune jusqu’où elle pouvait aller, quand un maudit importun, le bailli du village, vieux singe envoyé