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se glisser entre mes lèvres et une main qui joue avec les boucles de mes cheveux. Je ne connaissais pas encore cette manière de baiser ; j’étais tout ému. Je jetai sur elle un regard timide, et je rencontrai ses yeux brillants et pleins de feu qui attendaient les miens au passage et qui les firent baisser. Nouveau baiser de même nature après lequel je fus libre de me remuer, car je ne l’étais guère de la façon dont elle me tenait embrassé. Je n’en étais pourtant pas fâché : il me semblait que c’était toujours autant de retranché sur le cérémonial de la connaissance qu’elle disait vouloir faire avec moi. Je ne fus sans doute redevable de ma liberté qu’à la réflexion qu’elle fit sur le mauvais effet que pouvait produire la vivacité de ses caresses prodiguées avec si peu de ménagement à une première vue ; mais ces réflexions ne furent pas de longue durée ; elle reprit la conversation avec Suzon, et le refrain de chaque période était : Suzon, venez me baiser. D’abord le respect me faisait tenir écarté. — Eh bien, dit-elle en m’adressant de nouveau la parole, ce gros garçon-là ne viendra donc pas aussi me baiser ? J’avançai et j’appuyai sur la joue. Je n’osais encore aller à la bouche : je lui fis un baiser un peu plus hardi que le premier. Je ne fus en reste avec elle que de quelque chose de plus passionné qu’elle mit dans le sien. Elle partageait ainsi ses caresses entre ma sœur et moi, pour me donner le change sur le sujet de