chambre. Mais, cher père, est-ce avec toi que je dois feindre ? Cette prétendue femme de chambre n’était autre que Martin, dont ta sœur a dû te parler en te contant mon histoire. Je ne l’avais pas vu depuis notre séparation. Il était encore aussi joli, aussi aimable ; son menton était à peine couvert de quelques poils follets, blonds, que je lui coupais exactement. Martin était une jolie fille aux yeux de tout le monde ; il était pour moi d’un prix inestimable.
J’avais instruit Martin de mon intrigue avec Verland. Heureux de me posséder, il n’en était pas jaloux ; j’étais charmée de sa docilité, je l’étais encore plus de sa vigueur. J’avais arrangé sagement mes plaisirs : Verland avait le jour ; Martin, la nuit. Le jour ne disparaissait que pour faire place à une nuit voluptueuse. Jamais mortelle n’a joui d’une félicité plus parfaite : mais le plaisir est de peu de durée ; sa mesure est celle du tourment dont sa perte nous accable.
Martin pouvait passer pour une fille jolie sous cet habillement. L’ingrat Verland, hélas ! pourquoi le traiter d’ingrat ? n’étais-je pas coupable, et mon cœur criminel ? Verland trouva des charmes à ma prétendue femme de chambre, et négligea sa maîtresse. Dédommagée par les plaisirs de la nuit, je ne m’étais pas encore aperçue de l’indifférence de Verland ; il possédait si bien l’art de me persuader, que tous les motifs de son absence me paraissaient justes. Si je le grondais, un sou-