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ront. Je ne dirai point quel parti vous devrez tirer de leurs heureuses dispositions par rapport à votre fortune, cela vous regarde ; je vous conseille de plumer impitoyablement ces vieilles bigotes qui viennent à votre confessionnal moins pour se réconcilier avec Dieu que pour voir un beau moine. Faites grâce aux jolies, parce que je la leur ai faite : elles me payaient différemment.

Une jeune fille, par exemple, ne peut faire de présents ; mais elle peut donner son précieux pucelage. Il faut user d’adresse pour lui ravir ce bijou. Fixez-vous à ces jeunes dévotes : elles pourront vous guérir ; ne vous livrez pourtant pas sans ménagement à la vivacité que pourrait vous inspirer l’espoir de votre guérison. Il y a moins de risque à se déclarer à une femme aguerrie qu’à une jeune personne chez qui la passion n’a pas encore triomphé des préjugés de l’éducation. Une femme vous entend à demi-mot ; son cœur a déjà fait la moitié du chemin avant de vous être expliqué : il n’en est pas de même d’une jeune fille ; mais s’il est difficile de la vaincre, la victoire en est plus douce. Je vais vous en tracer la route. Dans toutes, vous trouverez un penchant à l’amour. Le grand art est de savoir manier ce penchant. Telle qui paraît modeste, les yeux baissés et la démarche composée, couve un feu sous la cendre, prêt à s’allumer au vent de l’amour. Parlez, elle n’opposera qu’une faible résistance à vos premières attaques ; pressez, votre victoire est certaine.