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moins confuse. Je voyais pourtant dans ses regards furtifs qu’elle aurait voulu que nous eussions été seuls. Sa vue m’avait encore rendu infidèle à Mme Dinville, et je désirais sortir de table pour essayer de nous dérober. Le dîner fini, je fis signe à Suzon : elle m’entendit, et sortit. J’allais la suivre ; Mme Dinville m’arrêta, en m’annonçant que je lui servirais d’écuyer à la promenade. Se promener à quatre heures après midi dans l’été, cela parut extravagant à l’abbé ; mais ce n’était pas pour lui plaire qu’elle le faisait. Elle ne voulait pas exposer le teint de l’abbé à l’ardeur du soleil ; aussi prit-il le parti de rester. J’aurais bien voulu ne pas suivre Mme Dinville, pour courir vers Suzon ; mais je me crus obligé de sacrifier mon envie à la déférence dont je devais payer l’honneur qu’on me faisait.

Suivis des yeux par l’abbé, qui se pâmait de rire, nous marchions avec une gravité concertée au milieu des parterres, sur lesquels le soleil dardait ses rayons. Mme Dinvillene leur opposait qu’un simple éventail, et moi l’habitude. Nous fîmes plusieurs tours avec une indifférence qui désespérait l’abbé. Je ne pénétrais pas encore le dessein de la dame, et je ne concevais pas comment elle pouvait résister à une chaleur que je trouvais insupportable. Ma qualité d’écuyer me pesait, et j’y aurais volontiers renoncé ; mais j’ignorais les fonctions de cet emploi, et on m’en réservait une qui devait me consoler de l’ennui de la première.