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tacle à mes yeux, mais n’en rendait la peinture que plus vive à mon imagination, tout cela avait fait dans mon cœur des impressions qui tournèrent à l’instant au profit de Suzon. Mais la réflexion corrigea bientôt un sentiment trop précipité et me ramena, non pas tout à coup, à mon caractère dominant.

Si j’eusse eu le choix de Suzon ou de Mme Dinville, je n’aurais pas balancé : Suzon avait la pomme ; mais on ne me présentait pas l’alternative. La possession de Suzon n’était pour moi qu’une espérance bien incertaine, et la jouissance de Mme Dinville était presque une certitude, ses regards m’en assuraient. Ses discours, quoique gênée par la présence du petit abbé, ne détruisaient pas l’espoir que ses yeux me laissaient concevoir. Suzon, après avoir été chargée d’avertir une femme de chambre, sortit, et son départ commença à restituer à Mme Dinville des désirs qui lui appartenaient, puisqu’ils étaient son ouvrage.

Je restai cependant si troublé, les mouvements de mon cœur, combattus et détruits alternativement par deux causes qui l’intéressaient également, l’une par l’idée du plaisir, l’autre par celle de ce même plaisir, mais accompagné de quelque chose de plus touchant, étaient dans une si grande confusion, que je ne m’aperçus pas de la brusque disparition de l’abbé. Mme Dinville l’avait bien vu sortir ; mais, s’imaginant que je l’avais vu aussi, elle ne croyait pas qu’il fût besoin