ſorti à ſon honneur, & qui auroient pû
entraîner ma perte. Je choiſis un autre
parti, qui fut de les porter moi-même
à la porte de la Supérieure, au moment
que je ſaurois qu’elle devoit rentrer. Je
m’arrêtai à cette idée, imprudente que
j’étois, je devois brûler ces lettres : que
de chagrins je m’aprêtois, je m’enlevois
mon amant. Cette refléxion, ſi
elle me fut venuë, auroit éteint mon
reſſentiment, quelque douceur que la
vengeance me préſentât, auroit-elle un
moment balancé la douleur de perdre
Martin ? Non, il m’étoit mille fois plus
prétieux que ce qui me flattoit le plus
dans ce moment. Je ne remis l’exécution
de mon projet que juſqu’au tems
que je ſerois hors de danger : je le fus
bien-tôt. J’avois demandé à Martin une
tréve de huit jours, elle n’étoit pas encore
expirée : je crus pouvoir alors exécuter
le deſſein que j’avois formé, il
eût tout l’effet que j’en pouvois attendre,
la Supérieure trouva les lettres, fit
venir la Mere Angelique, & la convainquit :
peut-être la reflexion eut-elle
obtenuë ſa grace, ſi un crime plus
grand, & que les femmes ne pardonnent
jamais, la rivalité n’eût rendu ſa
punition néceſſaire pour le repos de la
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Portier des Chartreux.
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