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Histoire de Dom B…


mour en me les aportant le lendemain avec ce qu’il m’avoit promis.

J’avois fait refléxion que la lumiere pourroit me trahir, ſi on en apercevoit dans ma chambre à pareille heure. Je moderai l’impatience où j’étois de lire les lettres de la Mere, j’attendis que le jour parût, il vint, je lûs, elles étoient écrites d’un ſtile paſſionné, & auſſi peu meſuré, que la figure & les manieres de celle qui les avoit écrites l’étoient beaucoup : elle y peignoit ſa fureur amoureuſe avec des traits, avec des expreſſions, dont je ne l’aurois jamais cruë capable, enfin elle ne ſe gênoit pas, parce qu’elle comptoit que le Pere Jerôme auroit la précaution, comme elle lui marquoit, de brûler ces lettres, il avoit eu l’imprudence de n’en rien faire, & je triomphois. Je ſongeai long-tems de quelle maniere je devois me ſervir de ces lettres pour perdre mon ennemie ; les rendre moi-même à la Supérieure, il n’y avoit pas d’aparence, c’étoit une démarche trop dangereuſe pour moi ; il auroit fallu rendre compte de la façon dont je les avois euës : les faire rendre par quelqu’un, ç’auroit été l’expoſer à des queſtions, dont il ne ſeroit peut-être pas