Page:Gervaise de Latouche - Histoire de dom B… portier des chartreux, 1741.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
Histoire de Dom B…


ques de la vigueur de Martin, le plaiſir combattoit contre la fatigue ; mais mes yeux s’apéſantiſſoient inſenſiblement : je me couchai, & je dormis d’un ſommeil qui ne fut interompu que par des ſonges charmans qui me rapeloient les délices que j’avois goutés.

On ne me dit rien le lendemain ſur mon abſence, on la regarda comme un reſte du reſſentiment que je devois avoir du traitement que l’on m’avoit fait. Je gardai un air fier qui confirma cette penſée, j’aſſiſtai comme les autres à l’Office, toutes mes compagnes communierent, moi je ne communiai pas, &, à te dire vrai, je m’étois miſe au-deſſus de la honte de ne pas ſuivre leur exemple. L’amour diſſipe bien des préjugés : la préſence de mon petit amant, que je voyois rôder dans l’Egliſe me dédomageoit aſſez. Plus d’une, parmi mes compagnes, auroit bien quittée au même prix la nouriture ſpirituelle où elles couroient.

Je jettois ſur mon amant plus de regards amoureux que je n’en jettois de dévotion ſur l’Autel. Aux yeux d’une femme du monde, Martin n’auroit été qu’un poliſſon, à mes yeux c’étoit l’amour même, il en avoit la jeuneſſe,