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Histoire de Dom B…


queur ſemblable que je ſentois s’échaper de toutes les parties de mon corps, avec des élencemens délicieux, ſe mêlant avec celle que l’on répandoit une ſeconde fois, me fit retomber ſans mouvement ſur mon Prie-Dieu.

Ce plaiſir qui, s’il duroit toûjours, ſeroit plus piquant mille fois que celui qu’on goûte dans le Ciel, helas, ce plaiſir finit trop tôt. Je fus ſaiſie de frayeur en penſant que j’étois ſeule pendant la nuit dans le fond d’une Egliſe ; avec qui ? je ne le ſavois pas, je n’oſois m’en éclaircir, je n’oſois remuer, je fermois les yeux, je tremblois : mon tremblement augmenta encore quand je ſentis qu’on me preſſoit la main, & qu’on la baiſoit, le ſaiſiſſement m’empêcha de la retirer, je n’en avois pas la hardieſſe ; mais je me raſſurai un peu en entendant dire à mes oreilles, d’une voix baſſe : Ne craignés rien, c’eſt moi. Cette voix que je me ſouvenois confuſément d’avoir entenduë, me rendit le courage, & j’eus la force de demander qui c’étoit ; ſans pourtant avoir celle de regarder, Hé, c’eſt Martin, me répondit-on, le Valet du Pere Jerôme : cette déclaration diſſipa ma frayeur, je ne craignis plus de lever les