prenois-je, pourquoi m’abuſer par une
ſi douce illuſion ? je ſuis ſeule, hélas !
je ſuis ſeule, & pour comble de douleur,
je tiens dans mes mains une ombre,
une aparence de plaiſir, qui ne
ſert qu’à augmenter mon déſeſpoir qui
m’inſpire de deſirs ſans pouvoir les ſatisfaire ;
inſtrument maudit, continuai-je,
en apoſtrophant le Godmiché, &
en le jettant au milieu de ma chambre
avec rage, va faire les délices d’une malheureuſe
à qui tu peux ſervir, tu ne feras
jamais les miennes, mon doigt vaut
mille fois mieux que toi : j’y eus auſſi-tôt
recours, & je me donnai tant de
plaiſir, que j’oubliai la perte de ceux
que je m’étois promiſe d’avoir avec le
Godmiché. Je tombai épuiſée de laſſitude,
& je m’endormis en penſant à
Verland.
Je ne me reveillai le lendemain que fort tard : le ſommeil avoit amorti mes tranſports amoureux, mais n’avoit rien changé à la réſolution que j’avois priſe de ſortir du Couvent. Les mêmes raiſons qui m’avoient déterminée à prendre cette réſolution, me firent encore ſentir avec plus de force la néceſſité de l’exécuter. Je me regardai dès-lors comme libre, & le premier uſage