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Histoire de Dom B…


traits hideux qu’elles nous en font ; laiſſons-les dire, Suzon, quand on eſt jeune, on ne doit avoir d’autre maître que ſon cœur, ce n’eſt que lui qu’il faut écouter, ce n’eſt qu’à ſes conſeils qu’il ſaut ſe rendre.

Tu croiras facilement, qu’ayant de pareilles inclinations, il ne falloit pas moins que la contrainte d’un cloître pour m’empêcher de m’y livrer ; mais c’eſt dans ce lieu même, où l’on vouloit étouffer mes déſirs, que j’ai trouvé le moyen de les ſatisfaire.

Toute jeune que j’étois, quand ma mere, après la mort de ſon quatriéme mari, vint demeurer dans ce Couvent en qualité de Dame Penſionnaire ; je ne laiſſai pas d’être effrayée de la réſolution qu’elle avoit priſe : ſans pouvoir diſtinguer le motif de ma frayeur, je ſentois qu’on alloit me rendre malheureuſe. L’âge, en me donnant des lumieres, m’éclaira ſur la cauſe de mon averſion pour le Cloître. Je ſentois qu’il me manquoit quelque choſe, la vûë d’un homme. Du ſimple regret d’en être privée, je paſſai bien-tôt à refléchir ſur ce qui pouvoit me rendre cette privation ſi ſenſible ; qu’eſt-ce donc qu’un homme, diſois-je ? eſt-ce