HISTOIRE
DE LA SŒUR
MONIQUE.
Ous ne ſommes pas maîtreſſes des
mouvemens de notre cœur : ſéduites
en naiſſance par l’attrait du plaiſir,
c’eſt à lui que nous offrons nos premiers
ſentimens. Heureuſes celles dont le tempérament
ne s’effraye pas des conſeils
auſtéres de la raiſon ; elle y trouve un ſecours
contre le penchant de leur cœur :
mais doit-on leur envier leur bonheur !
Non, qu’elles joüiſſent du fruit de leur
ſageſſe, elles l’achetent aſſez cher, puiſqu’elles
ne connoiſſent pas le plaiſir.
Hé qu’eſt-ce que cette ſageſſe après
tout, dont on nous étourdit les oreilles ?
une chimere, un mot conſacré
à exprimer la captivité où l’on retient
notre ſexe. Les éloges que l’on fait de
cette vertu imaginaire ſont pour nous
ce qu’eſt pour un enfant un hochet,
qui l’amuſe & l’empêche de crier. Des
vieilles que l’âge à renduës inſenſibles
au plaiſir, ou plû-tôt que la retraite
leur interdit, croyent ſe dédomager de
l’impuiſſance de le goûter, par les por-