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Portier des Chartreux.


l’on venoit de me donner, c’eſt-à-dire, à la porte.

Je reſtai un moment anéanti : mes yeux ſeuls, en repandant des torrens de larmes, témoignoient que je vivois encore : j’étois au dernier dégré du déſeſpoir & de la rage. Couvert d’un malheureux habit, ayant à peine de quoi vivre un jour, ne ſachant où aller, je m’abandonnai dans les bras de la Providence. Je prenois le chemin de Paris, j’aperçus les murs des Chartreux : la profonde ſolitude qui y regne fit briller à mon eſprit un trait de lumiere. Heureux Mortels, m’ecriai-je, qui vivés dans cette retraite à l’abri des fureurs de la fortune, vos cœurs purs & innocens ne connoiſſent pas les horreurs qui déchirent le mien ! L’idée de leur félicité m’inſpira le deſir de la partager. J’allai me jetter aux pieds du Supérieur : je lui contai mes infortunes. O, mon Fils, me dit-il, en m’embraſſant avec bonté, loüés Dieu, il vous reſervoit ce port après tant de naufrages : vivés-y, & vivés-y heureux, s’il eſt poſſible.

J’y reſtai pendant quelque tems ſans emploi ; mais bien-tôt on m’en donna :