quitter pour ne nous jamais revoir. L’orage
grondoit ſur notre tête, & le charme
de l’illuſion le déroboit à nos yeux :
Sauvés-vous, Suzon, vint nous dire
une fille épouvantée, ſauvés-vous,
fuyés par l’eſcalier dérobé ! Surpris,
nous voulûmes nous lever, il n’étoit
plus tems : un Archer féroce entroit
au moment que nous nous levions : Suzon
tremblante & éperduë ſe jette dans
mes bras : il l’en arrache, malgré mes
efforts il l’entraîne. O Dieux ! Cette vûë
me rendit furieux, la rage me prêta des
forces, le déſeſpoir me rendit invincible,
un chenet, dont je me ſaiſis, devint
dans mes mains une arme mortelle.
Je m’élance ſur l’Archer : arrête,
malheureux Saturnin ! Il n’eſt plus
tems, le coup eſt porté, l’indigne Raviſſeur
de Suzon tombe à mes pieds :
on ſe jette ſur moi, je me deffends,
je ſuccombe, je ſuis pris. On me lie,
à peine me laiſſe-t’on la liberté de prendre
la moitié de mes habits : adieu, Suzon,
m’écriai-je, en lui tendant les
bras, adieu, ma chere Sœur, adieu :
on me traînoit inhumainement ſur l’eſcalier ;
la douleur que me cauſoient les
coups des marches contre leſquelles ma
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Portier des Chartreux.
II. Partie.
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