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Histoire de Dom B…


giner quels traits pouvoient caractériſer le déſeſpoir d’un Pere tendre qui voit repandre ſon ſang, qui voit immoler ſa fille. Je vous laiſſe, cher Lecteur, le plaiſir d’imaginer ; mais c’eſt à vous que je m’adreſſe, vous qui avés éprouvés les traverſes de l’amour, & qui, aprés un long-tems, avés vû votre paſſion couronnée par la joüiſſance de l’objet aimé : rapellés-vous vos plaiſirs, pouſſés votre imagination encore plus loin, s’il eſt poſſible, elle demeurera toûjours au-deſſous de mes délices ; mais quel démon jaloux de ma tranquillité me preſente ſans ceſſe un ſouvenir que j’arroſe de larmes de ſang ? Ah, finiſſons, je ſuccombe à ma douleur !

Le jour vint avant que nous nous fuſſions aperçûs que la nuit avoit diſparuë. Dans les bras de Suzon, que je n’avois pas quittée depuis que nous étions couchés, j’avois oubliés mes chagrins, j’avois oublié l’univers entier. Ne nous quittons jamais, mon cher Frere, me diſoit-elle : où trouverois-tu une fille plus tendre, où trouverois-je un Amant plus paſſionné ? Je lui jurois de vivre toûjours avec elle : je le lui jurois, hélas ! & nous allions nous

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