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Histoire de Dom B…


ſurément n’avoit jamais ſervi à deux Amans auſſi tendres, tenant ma chere Sœur ſur mes genoux, & mon viſage preſque toujours collé ſur ſon viſage, je lui racontai ce qui m’étoit arrivé depuis ma ſortie de chez Ambroiſe.

Je ne ſuis donc plus ta Sœur, s’écria-t’elle, quand j’eus fini. Ne regrette pas, lui dis-je une qualité que le ſang donne & rarement le cœur : ſi tu n’es plus ma Sœur, tu es toûjours ma chere Suzon, tu es toûjours l’idole de mon cœur : chere ame, continuai-je, en la preſſant tendrement entre mes bras, oublions nos malheurs, & commençons à compter notre vie du jour qui nous a raſſemblés : en lui diſant ces mots, j’apliquois des baiſers ardens ſur ſa gorge ; j’allois la renverſer, j’avois déja la main entre ſes cuiſſes : arrête, me dit-elle, en s’échapant de mes bras. Arrête, cruelle, m’écriai-je : quelles graces aurai-je donc à rendre à la fortune, ſi tu rebutes les témoignages de mon amour ? Etouffe, me repondit-elle, des deſirs que je ne pourrois écouter ſans être criminelle : fais un effort ſur ta paſſion, je t’en donne l’exemple. Ah, Suzon, lui repliquai-je, tu