Donzelle me tenoit par la main, j’avoüerai
naturellement que ne m’étant
jamais trouvé en pareil cas : je ne pouvois
me deffendre d’un certain effroi
qui parut de bon augure à ma conductrice :
elle en auroit ri, ſi elle eût connu
ma qualité. Nous arrivâmes enfin
avec bien de la peine à la porte du
temple ; nous frapâmes : une vieille,
plus vieille que la Sibille de Cumes,
vint ouvrir, en entrebaillant, la
porte. Mon petit Roi, me dit-elle,
il y a du monde, attens un moment,
monte plus haut. Monter plus haut étoit
bien difficile, à moins que de vouloir
monter au Ciel : une porte ſe preſenta
ſous ma main, elle s’ouvrit d’elle-même :
j’allois me retirer dans la
crainte de trouver quelqu’un, & de
faire ſoupçonner ma probité : l’odeur
me raſſura.
Abandonné à moi-même dans un endroit affreux, au bout du monde, dans un pays perdu, avec des gens inconnus, je me ſentis ſaiſir d’une horreur ſubite. Le danger que je courrois s’offrit à mes yeux : profitons, dis-je en moi-même, de ce moment de clarté, ſauvons-nous. Quelque choſe de plus puiſſant que la refléxion, m’arrêta ;