faut-il faire ? Epouſer ma mere lui repondis-je.
La ſurpriſe lui coupa la parole :
il me regardoit avec des yeux égarés,
épouſer votre mere, me dit-il
enfin, Monique, que me propoſés
vous ? Une choſe, lui repondis-je, irritée
de ſon étonnement, dont je ſuis
au déſeſpoir de vous avoir parlé. Je
vois par la froideur avec laquelle vous
recevez une propoſition qui m’a coûté
des torrens de larmes, ce que je dois
penſer de votre amour : votre indifférence
m’éclaire ſur l’indignité de ma
paſſion. Ciel ! ais-je pû concevoir de
pareils ſentimens pour un homme que
ſa lâcheté en rend indigne. Monique,
reprit-il, triſtement, ma chere Monique,
aye pitié de ton amant, à quoi
veux-tu le reduire ? ingrat, lui repondis-je,
quand j’oſe ſurmonter l’horreur
que m’inſpire la penſée de te voir dans
les bras de ma rivale, quand pour
tromper une mere barbare, pour me
livrer à tes deſirs avec plus de facilité,
pour jouir continuellement du plaiſir
de te voir, pour recevoir à tous momens
tes careſſes, je ſacrifie ma gloire,
j’immole à ton bonheur ce que j’ai
de plus cher, je ſuis inſenſible aux fureurs
de la jalouſie, j’étouffe les remords
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Portier des Chartreux.