douleur, & de ne laiſſer paroître ſur
mon viſage qu’une indifference qui rendoit
mes peines plus cruelles. Je n’y
pû pas reſiſter ; j’étois furieuſe contre
ma mere, j’étois furieuſe contre moi-même,
mon amour étoit devenu capable
de tout entreprendre. On ne me
ſoupçonnoit pas de voir Verland, &
je le voyois tous les jours, je ne pouvois
plus vivre ſans lui, il ne pouvoit
plus vivre ſans moi. Croiras-tu que
juſqu’alors j’eus aſſez de pouvoir ſur
moi-même, pour ne pas ceder à ſes
inſtances, & pour rejetter (quoique
ce fût le but de tous mes deſirs) le
ſeul moyen de mettre ma mere à la
raiſon ; mais attendrie par les larmes de
mon amant, preſſée par mon amour,
vaincuë par mon penchant, je prêtai
l’oreille à la propoſition qu’il me fit
de m’enlever, nous convinmes du jour,
de l’heure, & des moyens.
La violence de mon amour ne me laiſſoit voir que les plaiſirs que je goûterois avec mon amant. L’autre le plus affreux me paroiſſoit un lieu enchanté, pourvû que j’y fuſſe avec lui. Le jour arriva, je me diſpoſois à m’aller jetter dans ſes bras, j’allois ſortir, un bras inviſible m’arrêta, ma paſſion a-