Page:Gervaise de Latouche - Histoire de dom B… portier des chartreux, 1741.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
281
Portier des Chartreux.


da d’un air timide, & me dit ; charmante Monique, un homme qui pour la premiere fois qu’il a eu le bonheur de vous voir, a merité votre colere, peut-il aujourd’hui, ſans courir le même riſque, ſe preſenter à vos yeux ? Ah, ſi le repentir le plus vif peut me faire oublier ma faute, vous devés me voir ſans indignation ! Sa voix étoit tremblante. J’eus pitié de lui, je lui repondis que le galant homme faiſoit oublier l’imprudence du jeune homme. Vous ne connoiſſés pas toutes mes fautes, reprit-il ; votre bonté vient de me pardonner un crime ; j’ai plus beſoin que jamais de cette bonté, puiſque je me ſuis rendu coupable d’une nouvelle offenſe : il ſe tût après ces mots, & quoique je l’entendiſſe, je lui repondis que je ne connoiſſois pas cette nouvelle offenſe dont il vouloit me parler ? Celle de vous adorer, me repliqua-t’il, en collant un baiſer ſur ma main, que je n’eus pas la force de retirer. Je lui fis connoître par mon ſilence que ce nouveau crime n’étoit pas inexcuſable, & dans la crainte de m’ouvrir trop à une premiere entrevüe : je le quittai charmée de l’aveu d’un amour que le mien avoit déja prévenu.