ger davantage à lui pardonner, je t’avouërai
que ce n’eſt qu’à mes importunités
que je dûs la confiance de cette chere
ſœur. Comment, reprit Monique,
tu es le frere de Suzon ? Ah, je ne me
plains plus d’elle, & ſi je le faiſois, je
me mettrois dans la néceſſité de la deffendre
contre les plaintes que tu en
pourrois faire à ton tour ; car elle ne
m’a pas caché ce qui lui étoit arrivé avec
toi. Nous nous attendrîmes enſemble
ſur le ſort de notre malheureuſe
Suzon, & la Sœur Monique
reprit ainſi le fil de ſon diſcours.
Puiſque Suzon t’a tout dit, qu’elle t’a conté mon avanture avec Verland, tu dois te douter que c’eſt de lui que je veux te parler à préſent. Ma métamorphoſe l’avoit ſurpris : il m’avoit vûë à la grille vive, ardente, coquete : une abſcence de pluſieurs années ne m’avoit pas fait ſortir de ſon ſouvenir. Le bruit que faiſoit ma devotion étoit dans toute ſa force, quand il revînt : il ne voulut en croire que ſes yeux ſur ce prétendu changement ; il me vit à l’Egliſe, & l’Amour lui fit bien-tôt un devoir d’une exactitude à m’y ſuivre, qu’il n’avoit priſe d’abord que pour un ſimple mouvement de curioſité.