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Histoire de Dom B…


ſi elle veut, par quelques difficultés irriter ſa paſſion, il s’échape. Ainſi toûjours languiſſante, entraînée par l’amour, retenuë par la bienſéance, elle ne trouve que deux écuëils également terribles pour elle : ſi elle ſe livre à l’amour une indiſcrétion peut la perdre, ſes plaiſirs ſont toûjours empoiſonnés par la crainte du qu’en dira-t’on : ſi elle reſte dans les bornes de la ſageſſe, il faut que ſon bonheur lui améne un mari : s’il ne vient pas, le tems fuit, les années ſe paſſent, ſes charmes ſe flétriſſent, elle meurt vierge & martire ; mais je veux que ſon bonheur le lui améne ce mari, la voila pour toûjours attachée à un homme, un ſeul homme, qui peut à peine ſuffire à la moitié de ſes deſirs ? & dont l’humeur bizarre fera peut-être de chacun de ſes jours, autant de jours de ſuplice. Ici avons-nous quelque choſe de ſemblable à craindre ? Libres des inquiétudes de la vie, nous n’en connoiſſons que les charmes, nous ne prenons de l’amour que les agrémens, & nous en laiſſons les chagrins à celles qui croyent n’en prendre que ce qu’il a de plus délicat : tous vos Moines ſont nos Amans, le Couvent eſt pour nous un Sérail qui