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Portier des Chartreux.


rel eſt vif & diſſipé, euſſent pû ſans frayeur, concevoir le deſſein de paſſer leur vie dans une pareille retraite, y vivre ſans dégoût, & être ſenſibles à des plaiſirs achetés par un eſclavage éternel. Elles rioient de mon étonnement & ne pouvoient elles-mêmes concevoir que je puſſe avoir de pareilles idées : tu connois bien peu notre tempérament, me diſoit un jour une d’entre elles extrêmement jolie, & que le libertinage, fruit trompeur d’une éducation cultivée, avoit fait jetter dans les bras de nos Moines, n’eſt-il pas vrai, me diſoit-elle, qu’il eſt plus naturel d’être ſenſible au bien qu’au mal : j’en convenois ; ferois-tu difficulté, reprenoit-elle de ſacrifier une heure du jour à la douleur, ſi l’on t’aſſuroit que l’heure ſuivante ſe paſſeroit dans une extrême joye ! Non aſſurément lui diſois-je : hé bien, pourſuivit-elle, au lieu d’une heure, mets un jour, de deux l’un ſera pour le chagrin, & l’autre pour le plaiſir, je te crois trop ſage pour refuſer un pareil parti, ſi on te l’offroit : je dis plus ; l’homme le plus indifférent ne le refuſeroit pas, & la raiſon en eſt bien naturelle. Le plaiſir eſt le premier mobile de toutes les actions

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