paſſionné qu’elle mit dans le ſien : elle
partageoit ainſi les careſſes entre ma
ſœur & moi, pour me donner le change
ſur le ſujet de celles qu’elle me faiſoit.
Sa politique me rendoit juſtice,
j’étois plus habile que ma figure ne le
promettoit. Je me fis inſenſiblement ſi
bien à ce petit manége, que je n’attendois
pas le refrain pour prendre ma
part ; peu à peu ma ſœur ſe trouva ſevrée
de la ſienne : je m’établis dans le
privilége excluſif de joüir des bontés de
la Dame, Suzon n’avoit plus que les
paroles.
Nous étions aſſis ſur le Canapé, nous babillions, car Madame Dinville étoit grande babillarde. Suzon étoit à ſa droite, j’étois à ſa gauche, Suzon regardoit dans le jardin, & Madame Dinville me regardoit : elle s’amuſoit à me défriſer, à me pincer la jouë, à me donner de petits ſoufflets, & moi, je m’amuſois à la regarder, à lui mettre la main, d’abord en tremblant, ſur le col : ſes manieres aiſées me donnoient beau jeu, j’étois effronté, la Dame ne diſoit mot, me regardoit, rioit, & me laiſſoit faire. Ma main timide dans les commencemens, mais devenuë plus hardie par la facilité qu’elle trouvoit