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Portier des Chartreux.


manquois pas de bonne volonté pour elle ; mais toûjours entourée par les Supérieurs, pouvoit-elle être acceſſible pour un Novice ?

Une autre raiſon bien plus ſenſible, je ne trouvois plus Suzon : elle n’étoit plus pour moi. Ma chere Suzon avoit diſparu de chez Madame Dinville quelque tems après mon entrée chez les Céleſtins : on n’avoit apris aucune de ſes nouvelles. Sa perte m’avoit plongé dans la douleur, je l’aimois, un je ne ſai quoi plus fort que ſon tempérament m’attachoit à elle ; la ſolitude où je vivois avoit encore rendu plus vif le chagrin de ſa perte : des lieux où je l’avois entretenuë ſi familierement, où nos cœurs, encore enfans, avoient fait le premier eſſai de l’amour, n’étoient propres qu’à m’atriſter. S’ils me retraçoient un ſouvenir agréable, que je le payois cher par l’abſence de celle qui me le procuroit ! Devenus ſans objet ces idées ne m’occupoient plus ſans douleur.

Mais voila un garçon bien deſœuvré, dira-t’on, touché de mon état malheureux : à quoi vous occupiés-vous donc, pauvre petit Saturnin ! Hélas, je me branlois, mon Vit étoit toute ma con-

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