prendre quelles ſeroient les ſuites d’une
nuit auſſi ſinguliere : j’étois charmé du
déſaſtre de l’Abbé, & de ma bonne
fortune. Comme perſonne (excepté
Mademoiſelle Nicole ſur la diſcrétion
de laquelle je pouvois compter) ne
me ſoupçonnoit de rien, je me faiſois
d’avance une comédie de la figure que
je verrois faire à nos acteurs nocturnes,
& je me promettois d’autant plus
de plaiſir, que je ſerois le ſeul à qui elle
devoit être indifférente. Monſieur le
Curé, diſois-je, aura un air ſombre,
taciturne, ſera de mauvais humeur,
feſſera, qu’il feſſe, ce ne ſera pas moi,
ou je jouërai de malheur. Françoiſe
examinera tous les écoliers l’un après
l’autre ; avec des yeux dont la fureur
rendra l’écarlate plus vif & plus brillant :
elle cherchera parmi les grands
celui ſur qui elle doit ſe vanger, non
des plaiſirs qu’elle a eus, mais de ceux
qu’il a donnés à ſa fille : ſi elle me reconnoit,
elle ſera bien fine. Nicole
n’oſera ſe montrer, ſi elle ſe montre,
elle rougira, ſera honteuſe, me fera la
mine, peut-être les yeux doux, que
ſait-on ? Elle eſt friande, ferai-je le cruel ?
Peut-être l’Abbé ſera-t’il caſſé au gages,
oh pour lui, il n’en ſera que plus impudent.
Page:Gervaise de Latouche - Histoire de dom B… portier des chartreux, 1741.djvu/221
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
Histoire de Dom B…