je reſſens encore à la toucher. Elle ſe ſera
échapée de ſon lit, elle aura profité
de la foibleſſe de Françoiſe pour venir
ſe plaçer ici comme dans un refuge, elle
s’imagine que ſon Amant eſt auſſi venu
s’y cacher. Je retrouvois dans cette
explication, l’interprétation toute
naturelle des paroles qu’elle m’avoit adreſſées.
Rempli de cette penſée, je
ſentis les deſirs qu’elle m’avoit autrefois
inſpirés, renaître avec plus de force :
le croiras-t’on, j’eus regret aux plaiſirs
que je croyois n’avoir eu qu’avec Françoiſe,
parce que c’étoit autant de diminué
ſur ceux que j’allois goûter avec Nicole.
Je me mis bien-tôt en état de recompenſer
le tems perdu. Ma chere Nicole,
lui dis-je, en la baiſant tendrement,
& en tâchant de contrefaire la
voix de l’Abbé, de quoi t’occupes-tu ?
Peux-tu te laiſſer aller à la triſteſſe,
quand l’heureux hazard, qui nous raſſemble,
veut que nous nous livrions
à tout notre amour ? Foutons, ma
chere enfant, noyons notre malheur
dans le Foutre. Que tu me fais de plaiſir,
me repliqua-t’elle, en repondant
à mes careſſes, ta douleur augmentoit
la mienne : oüi profitons du ſeul moyen
que nous ayons de nous conſoler ; arri-
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