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Portier des Chartreux.


ſes exclamations & ſes tranſports, qu’elle ne s’attendoit pas d’être ſi bien regalée. A peine eûs-je fourni ma carriere, que ne me ſentant que plus animé par cette premiere courſe, je repris du champ, & par une ſeconde, qui ne fut pas moins vigoureuſe que la premiere, je donnai une nouvelle matiere à ſes éloges : je l’avois miſe en goût, & je jugeai, aux careſſes, aux noms tendres qu’elle me prodiguoit, qu’elle n’attendoit qu’une troiſiéme preuve de valeur pour mettre cette nuit au-deſſus de toutes celles qu’elle diſoit que nous avions paſſées enſemble. Quoique je ſentiſſe encore mon fourniment aſſez bien garni, pour lui donner cette ſatisfaction, la crainte d’être ſurpris par l’Abbé, amortit un peu mon courage. Je ne ſavois à quoi attribuer ſa lenteur : je ne pouvois en accuſer qu’un changement de reſolution : ſur cette penſée, je crus que je pouvois reprendre haleine, & ne pas précipiter mes coups comme je venois de le faire.

Deux décharges abbatent un peu les fumées de l’amour, l’illuſion ſe diſſipe, l’eſprit rentre dans ſes fonctions, les nuages, dont la force de la paſſion l’obſcurciſſoit, s’évanoüiſſent, les objets

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