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Portier des Chartreux.


une entrée aſſez brillante, j’aurois cru manquer à mon devoir, ſi je n’avois pas remis Madame Dinville dans ſon apartement ; cela fait, je me preparois à lui tirer ma revérence, & je croyois l’embraſſer pour la derniere fois de la journée. Eh quoi, me dit-elle avec ſurpriſe, tu veux t’en aller, mon ami ? il n’eſt pas huit heures, va reſte, je ferai ta paix avec ton Curé (je lui avois dit que j’avois changé de demeure, & que j’avois l’honneur d’être un des Penſionnaires de Monſieur le Curé) l’idée du Presbitere me faiſoit baiſſer l’oreille, & je n’étois pas fâché que l’obligeante Madame Dinville m’épargnât une heure de dégoût. Elle me fit aſſeoir ſur ſon Canapé, alla fermer la porte de ſa chambre, & vint ſe mettre à côté de moi : auſſi-tôt me prenant une main qu’elle preſſoit dans les ſiennes, elle me regarda fixement & ſans me parler. Je ne ſavois que penſer de ce ſilence : elle le rompit ; tu ne te ſens donc plus d’envie, me dit-elle ? L’impuiſſance ou j’étois de la ſatisfaire, me rendoit muet, l’aveu de ma foibleſſe me coûtoit à faire, confus & deſeſperé, je baiſſois les yeux. Nous ſommes ſeuls, mon cher Saturnin, reprit-elle, en me baiſant a-

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