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Portier des Chartreux.


ſibilité pour ces précieux inſtans de ma vie.

Nous entrâmes dans ma chambre ſans avoir été aperçûs : je tenois Suzon par la main, elle trembloit, je marchois ſur la pointe des pieds, elle m’imitoit : je lui fis ſigne de ne point parler, & la faiſant aſſeoir ſur mon lit, je m’aprochai doucement de la cloiſon : perſonne n’y étoit encore. Je dis d’une voix baſſe à Suzon que l’on ne tarderoit pas à venir ; mais que veux-tu donc me montrer, me demanda-t’elle, intriguée par mes façons miſtérieuſes ? Tu vas le voir, lui repondis-je, & ſur le champ, en avancement du privilége que je comptois que cette vûë alloit me donner, je la renverſai ſur mon lit, en tâchant de lui gliſſer la main ſur les cuiſſes : je n’en étois pas encore à la jaretiere qu’elle ſe leva avec action & dit qu’elle feroit du bruit ſi j’étois aſſez hardi pour la toucher. Elle alla même juſqu’à faire ſemblant de vouloir ſortir : je pris cette grimace pour une marque de colere, & je fus aſſez ſimple pour m’imaginer qu’elle vouloit effectivement ſe retirer. J’étois interdit, le cœur me battoit, à peine oſois-je repondre, & quoique ce ne fût qu’en bégayant, je