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Avant de commencer, Suzon exigea encore de nouvelles assurances de ma part : je les lui donnai avec serment. Elle hésitait, elle n’osait encore ; je la pressai si fort qu’elle se détermina.

— Voilà qui est fait, me dit-elle, je t’en crois, Saturnin ; écoute, tu vas être étonné de ma science, je t’en avertis. Tu croyais m’apprendre quelque chose tantôt, j’en sais plus que toi : tu vas le voir ; mais ne crois pas pour cela que j’aie moins pris de plaisir à ce que tu m’as dit ; on aime toujours à entendre parler de ce qui flatte.

— Comment donc, Suzon, tu parles comme un oracle ; on voit bien que tu as été en couvent. Que cela façonne une fille !

— Oh ! vraiment, me répondit-elle ; si je n’y avais jamais été, j’ignorerais bien des choses que je sais.

— Eh ! dis-le moi donc, ce que tu sais ! repris-je vivement ; je meurs d’envie de l’apprendre.

— Il n’y a pas longtemps, continua Suzon, que, pendant une nuit fort obscure, je dormais d’un profond sommeil ; je fus réveillée en sentant un corps tout nu qui se glissait dans mon lit : je voulus crier, mais on me mit la main sur la bouche, en me disant : « Tais-toi, Suzon, je ne veux pas te faire de mal ; est-ce que tu ne reconnais pas la Sœur Monique ? » Cette Sœur venait, depuis peu, de prendre le voile de novice ; c’était ma meilleure amie.

— Jésus ! lui dis-je, ma bonne, pourquoi donc me venir prendre dans mon lit ?

— C’est que je t’aime ! me répondit-elle en m’embrassant.

— Et pourquoi êtes-vous toute nue ?

— C’est qu’il fait si chaud que ma chemise même est