Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 50 —


ce n’était qu’un désir violent de faire avec une femme la même chose que j’avais vu faire au Père Polycarpe avec Toinette. Le délai d’un jour que madame Dinville m’avait donné me paraissait immense. J’essayai, chemin faisant, de remettre Suzon sur les voies, en lui rappelant l’aventure de la veille.

— Que tu es simple, lui dis-je, Suzon. Tu crois donc que je voulais te faire du mal hier ?

— Que voulais-tu donc me faire ? répondit-elle.

— Bien du plaisir.

— Quoi ! reprit-elle avec une apparence de surprise, en me mettant la main sous la jupe, tu m’aurais fait bien du plaisir ?

— Assurément ; si tu veux que je t’en donne la preuve, viens avec moi, lui dis-je, dans quelque endroit écarté.

Je l’examinais avec inquiétude ; je cherchais sur son visage quelques marques des effets que devait produire ce que je lui disais : je n’y voyais pas plus de vivacité qu’à l’ordinaire.

— Le veux-tu bien, dis, ma chère Suzon ? continuai-je en la caressant.

— Mais encore, reprit-elle, sans faire semblant d’entendre la proposition que je lui faisais, qu’est-ce donc que ce plaisir dont tu me fais tant d’éloge ?

— C’est, lui répondis-je, l’union d’un homme avec une femme, qui s’embrassent, qui se serrent bien fort et qui se pâment en se tenant étroitement serrés de cette façon.

Les yeux toujours fixés sur le visage de ma sœur, je ne laissais échapper aucun des mouvements qui l’agitaient ; j’y voyais la gradation insensible de ses désirs ; sa gorge bondissait.