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général, enluminé d’un rouge champenois, mais des yeux alertes, amoureux, et tétonnière autant que femme au monde. Ce fut d’abord la première bonne qualité que je lui remarquai : ç’a toujours été mon faible que ces deux boules-là ! C’est aussi quelque chose de si joli, quand vous tenez cela dans la main, quand vous… Ah ! chacun le sien : qu’on me passe celui-ci !

Sitôt que la dame nous aperçut, elle jeta sur nous un regard de bonté, et sans changer de situation. Elle était couchée sur un canapé, une jambe dessus et l’autre sur le parquet ; elle n’avait qu’un simple jupon blanc, assez court pour laisser voir un genou qui n’était pas assez couvert pour faire penser qu’il serait bien difficile de voir le reste ; un petit corset de la même couleur, et un pet-en-l’air de taffetas couleur de rose, bichonnée d’un petit air négligé, et la main passée sous son jupon, jugez à quelle intention ! Mon imagination fut au fait dans le moment, et mon cœur la suivit de près ; mon sort était de devenir, désormais, amoureux à la vue de toutes les femmes qui se présenteraient à mes yeux : les découvertes de la veille avaient fait éclore ces louables dispositions.

— Ah ! bonjour, ma chère enfant, dit madame Dinville à Suzon ; eh bien ! tu reviens donc me trouver ? Ah !… tu m’apportes un bouquet ; mais, vraiment, je te suis bien obligée, ma chère fille ; embrasse-moi donc !

Embrassade de la part de Suzon.

— Mais, continua-t-elle, en jetant les yeux sur moi, quel est donc ce beau gros garçon-là ? Comment ! petite fille, vous vous faites accompagner par un garçon ? Cela est joli !

Je baissai les yeux ; Suzon lui dit que j’étais son frère ; révérence de ma part.