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— Tiens, Suzon, lui dis-je, si tu m’en jettes davantage, je te… Tu me le payeras !

Pour me faire voir qu’elle bravait mes menaces, elle m’en jeta une poignée. Dans le moment ma timidité m’abandonna ; je ne craignais pas d’être vu. La brune, qui empêchait qu’on ne pût voir à une certaine distance, favorisait mon audace. Je me jetai sur Suzon ; elle me repousse, je l’embrasse ; elle me donne un soufflet, je la jette sur l’herbe ; elle veut se relever, je l’en empêche ; je la tiens étroitement serrée dans mes bras en lui baisant la gorge, elle se débat ; je veux lui fourrer la main sous la jupe, elle crie comme un petit démon ; elle se défend si bien que je crains de n’en pouvoir venir à bout et qu’il ne survienne du monde.

Je me relevai en riant, et je crus qu’elle n’y entendait pas plus de malice que je voulais qu’elle n’y en entendît. Que je me trompais !

— Allons, lui dis-je, Suzon, pour te faire voir que je ne voulais pas te faire de mal, je veux bien t’aider.

— Oui, oui, me répondit-elle avec une agitation au moins égale à la mienne, va, voilà ma mère qui vient, et je…

— Ah ! Suzon, repris-je vivement en l’empêchant d’en dire davantage, ma chère Suzon, ne lui dis rien ; je te donnerai… tiens, tout ce que tu voudras !

Un nouveau baiser fut le gage de ma parole ; elle en rit ; Toinette arriva. Je craignais que Suzon ne parlât, elle ne dit mot, et nous retournâmes tous ensemble souper.

Depuis que le Père Polycarpe était à la maison, il avait donné de nouvelles preuves de la bonté du couvent pour le prétendu fils d’Ambroise : je venais d’être habillé tout neuf. En vérité, sa révérence avait en cela